génocide rwanda
Rwanda
Par math-bernard | Le 23/04/2018 | Commentaires (3)
Génocide des Tutsi:
« Un amour plus fort que la tristesse »
« Les miliciens sont venus et ont tué entre 70 et 100 hommes et jeunes gens tutsis, témoigne Rose Rwanga. Ils ont ensuite découvert ma fille, cachée dans le placard d’un bureau près de l’église. (…) Le milicien lui a tiré une balle dans la tête et la poitrine et elle s’est écroulée à mes pieds. Je suis restée avec le cadavre de ma fille pendant deux jours. »
Cette jeune victime, âgée de 20 ans, s’appelait Hyacintha Rwanga. Elle fait partie des un million de Tutsi qui ont perdu la vie d’avril à juillet 1994.
Des commémorations pour ne pas oublier
Ce 7 avril 2018 a été l’occasion de leur rendre hommage grâce à une série de commémorations. En Midi-Pyrénées, c’est l’association Diaspora rwandaise de Toulouse, présidée par Jeannette Laroche, qui organisait ce recueillement. Le moment, non seulement de se souvenir, mais aussi de rappeler l’exigence de vérité et de justice que l’on doit aux victimes, à leurs familles, et aux jeunes générations. Gérard Karagozian, de la communauté arménienne, a soutenu que « la paix et le bien-être des hommes doivent être le moteur de notre société », tandis que Maurice Lugassy, représentant du Mémorial de la Shoah, précisait : « Si nous sommes tous là, Arméniens, Juifs et Tutsi, c’est parce que nous avons ce combat à mener. » L’association Survie, qui milite pour que les responsables du génocide comparaissent devant la justice, était également présente.
« Quand vous commencerez à les tuer, tuez-les tous ! »
Que s’est-il donc passé ce 7 avril 1994 ? Rappel des faits.
Le 6 avril au soir, l’avion du président Juvénal Habyarimana est touché par des tirs de missiles et s’écrase non loin de l’aéroport de Kigali, ne laissant aucun survivant. Immédiatement après cela, dès que la Radio des Mille Collines annonce l’attentat, les Tutsi, mais aussi des Hutu modérés, deviennent la cible du nouveau régime. Ainsi, dès les premières heures du 7 avril est déclenché ce qui constituera l’un des pires crimes de masse de toute l’Histoire : les civils tutsi, hommes, femmes et enfants sont systématiquement traqués et tués. Lors de la commémoration de Toulouse à laquelle nous avons assisté, Edouard Gasarabwe, écrivain rwandais, a narré que lorsque les premiers pogroms contre les Tutsi ont commencé au début des années 1960, instruction avait été donnée de n’épargner personne : « Quand vous commencerez à les tuer, tuez-les tous, y compris les enfants. Car, si vous ne tuez pas les enfants, un jour ou l’autre ils voudront venger leurs parents. » La « solution finale » de 1994 a bel et bien repris ce principe. Cette politique d’extermination a été d’une telle efficacité qu’en seulement trois mois plus de un million de Tutsi ont perdu la vie. Quelques jours après l’établissement du gouvernement Jean Kambanda et le début des massacres, la Radio des Mille Collines haranguait les milices assassines en ces termes :
Gardez bien votre secteur, qu’aucun cafard ne vous échappe. Si vous en attrapez un, massacrez-le.
Ce génocide, comme tout génocide, comme tout crime, n’a pas seulement brisé des vies. Il a aussi brisé des cœurs. Les cœurs des pères et des mères qui ont perdu leurs enfants. Les cœurs des enfants qui ont perdu leurs parents. Les cœurs des frères et des sœurs qui ont perdu leur fratrie. Les cœurs des amis qui ont perdu leurs confidents. Et, en définitive, le cœur d’un peuple qui ne pouvait comprendre pourquoi, en un instant, il avait fait l’objet de tant de haine et de tant de violence ?
Alors, comment vivre, comment faire ne serait-ce qu’un pas en avant, lorsque son cœur est en morceaux ? À Toulouse, nous avons écouté le témoignage poignant de Gisèle M., rescapée du génocide, qui a relaté à l’auditoire comment elle a perdu la quasi-totalité de sa famille. Et, justement, il est frappant de constater, en entendant ce récit et d’autres, que même après un quart de siècle le rappel des faits est toujours aussi douloureux.
Jacinthe ou « la tristesse d’Apollon »
Au début de cet article, nous parlions du meurtre de la jeune Hyacintha. « Hyacintha », même prénom que « Jacinthe », est le nom d’une fleur : la jacinthe. Cette plante à bulbe, que l’on dit « annonciatrice du printemps », porte en elle une blessure, une histoire déchirante, rapportée par la mythologie grecque. Selon les anciens Grecs, elle aurait été créée à la suite d’un drame. Apollon, dieu de la lumière et des arts, avait un ami auquel il était profondément attaché : Hyacinthe. C'était son ami le plus cher. Un jour, alors qu’ils jouaient au lancer de disque, le projectile a accidentellement heurté Hyacinthe, le tuant sur le coup. Apollon, impuissant face à la mort de son ami, a ressenti une douleur et une tristesse indicibles.
Mais, pour lui, cette belle histoire d’amitié ne pouvait s’achever aussi tragiquement. Il ne voulait pas que son ami, avec le temps, plonge dans l’oubli. Qu’il ne reste rien de leur amour, de leurs rires, de leurs confidences… Alors, il a décidé de donner une suite à cette histoire. Il a pris le cadavre et l’a transformé en fleur. Et il a baptisé cette fleur du nom de son ami : « Hyacinthe », nom métathèsé « Jacinthe » en latin.
De cette manière, Hyacinthe a continué de vivre et l’histoire a donné à la fleur une signification très particulière…
Un peuple invaincu
Reporters/Photoshop
Au Rwanda, ce sont bien des millions de gens qui, au sortir du génocide, ont dû vivre avec, dans leur cœur, la tristesse d’Apollon. La perte. Le vide. La disparition des êtres chers. Le trauma. Les cauchemars. Les images qui reviennent d’hommes à la machette déchaînés et venus pour tuer… La peur… L’angoisse d’être découvert, l’angoisse d’apprendre que son père ou son frère ou son enfant a été tué… La tristesse… Celle que l’on ressent au plus profond de soi et qui fait qu’on ne voit plus la vie de la même façon.
Et pourtant, 24 ans après, qu’observons-nous ? Un peuple qui se reconstruit. Un peuple qui s’efforce de tourner cette page éclaboussée de sang, afin d’écrire un avenir meilleur. Un peuple qui se tient debout, alors qu’on lui a brisé les jambes. Un peuple qui parle d’amour et de paix, alors qu’on lui a arraché le cœur. Dans son témoignage, Aline Benishya Serraz déclare, « je me suis juré de vivre et de bien vivre ».
Oui, les Tutsi doivent « vivre et bien vivre » et cela pour une raison essentielle :
Le sourire du peuple tutsi aujourd’hui proclame la défaite de ceux qui ont voulu l’anéantir. Quand quelqu’un met tout en œuvre pour vous rendre malheureux, votre bonheur est sa plus grande faillite. C’est parce qu’ils sont vivants, c’est parce qu’ils rient, c’est parce qu’ils parlent d’avenir, que leurs tortionnaires savent qu’ils ont perdu.
Photo Save the Children Canada
Ainsi, les Tutsi sont un exemple, et pour le monde entier et pour l’Histoire. Car, en définitive, l’Histoire se souviendra de ceux qui, tapis dans l’ombre, ont planifié cet acte d’une barbarie sans nom. Elle se souviendra de ceux qui, à des fins politiques, ont crucifié une partie du genre humain. Elle se souviendra de ces vendeurs de larmes qui n’ont pas eu pitié de ces femmes que l’on découpait en morceaux, alors qu’elles tenaient leur enfant dans les bras… Mais elle se souviendra aussi du courage, de la dignité et de l’amour des Tutsi, ce peuple demeuré invaincu face à la folie meurtrière des hommes.
« Vivre au-delà de la vie »
Alors, quelle est cette signification particulière que porte en elle la Jacinthe ? En plus d’évoquer la tristesse d’Apollon, dans le langage des fleurs, le mot « jacinthe » signifie: « un amour qui transcende la tristesse ». Quand on offre une jacinthe à quelqu’un, on lui dit : « Je suis heureux de t’aimer. » Ainsi, la jacinthe, cette fleur aux formes étoilées, constitue un des plus beaux symboles d’espoir. Cette fleur, qu’Apollon a créée pour qu’à travers elle son ami vive à jamais, rappelle à tous ceux qui ont connu le deuil, à tous ceux qui ont été submergés par le désespoir, ensanglantés comme nos frères rwandais, que l’amour l’emporte sur la tristesse et doit nous pousser à aller de l’avant. Vivre pour nous, mais aussi pour ceux qui nous aimaient et que nous avons perdus. Comme l’a dit Victor Hugo en prononçant un éloge funèbre, « aimer, c’est vivre au-delà de la vie ».
Dans Témoignage sur le génocide des Tutsi au Rwanda, Esther Mujawayo, rescapée du génocide, confie aux pages 125 et 128 :
« Nous étions des survivantes, des veuves, condamnées à vivre. Mais petit à petit notre lutte a été de se dire : ‘On veut quand même être vivantes, vivantes !’ »
Et un jour, alors qu’elle était retournée dans son ancienne maison dans l’espoir de retrouver aux moins les restes de sa famille, elle fit une découverte :
« Ma sœur a été tuée avec toute sa famille, ses enfants. La seule chose que j’ai pu retrouver d’elle, des années plus tard, dans les ruines de notre maison, c’est une petite fleur qu’elle avait plantée. Je me suis accrochée à cela et je me suis dit que Stéphanie vivait à travers cette fleur. »
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