Dr Godard, Médecin des astronautes
Entretien avec Dr Godard, femme médecin...des astronautes
Votre Actu au Quotidien : Merci, Brigitte Godard, d’accorder cet entretien à Votre Actu au Quotidien. Vous exercez la fonction de Médecin des astronautes, donc de Thomas Pesquet, actuellement à l’ISS (Station Spatiale Internationale). En quoi consiste exactement votre rôle ?
Brigitte Godard : Mon rôle consiste à m’assurer qu’il est en pleine forme pour accomplir toutes ses tâches à bord. La science est une priorité au cours des missions. Mon travail a commencé avec lui bien en amont, soit environ 2 ans avant son séjour à bord de l’ISS. Nous réalisons d’abord avec l’astronaute, de façon régulière, une panoplie d’examens médicaux. Plus nous approchons du vol, plus la fréquence de ces examens s’accélère.
Pendant le séjour à bord, un certain nombre de ces examens sont répétés. Thomas n’est pas suivi par moi uniquement, mais par toute l’équipe médicale, laquelle inclut notre groupe de sportifs. Eux aussi jouent un rôle capital pour adapter ses exercices à bord. Ils s’efforcent d’être au plus près de ses performances sur terre pour lui garantir la meilleure réhabilitation possible à son retour.
VAQ : Vous rêviez vous-même de devenir astronaute me semble-t-il…
BG : Oui, vous avez raison. C’est probablement pour cette raison que j’occupe ce poste aujourd’hui. Ma motivation pour le travail dans le spatial m’a permis de frapper à la bonne porte en 2005 et de travailler enfin au MEDES pour une expérience d’alitement prolongé. C’était pour moi la première étape vers l’accomplissement de mon rêve : travailler dans le spatial.
VAQ : J’ai lu quelque part que vous affirmiez même avoir été « destinée » à travailler dans le domaine spatial…
BG : Je ne sais pas trop ce que cela signifie, disons qu’avec le recul aujourd’hui je m’aperçois qu’il faut avoir de la chance. Mais il me semble que le hasard n’existe pas. Nous devons nous trouver à la bonne place, au bon moment, mais si notre voie n’est pas là, les multiples tentatives faites pour y arriver doivent nous démontrer que nous ne sommes pas sur le bon chemin... C’est ma vision très personnelle des choses.
VAQ : Juste pour préciser. Médecin des astronautes est une des professions les plus rares au monde, il n’en existe que 3 en Europe. Comment vous étiez-vous distinguée des autres postulants ?
BG : Je pense qu’il existe des professions encore plus rares, mais probablement moins visibles. C’est exactement ce que je vous disais : être là au bon moment donc, plus de la chance. Du fait des nombreuses missions européennes, nous venons de recruter deux nouveaux médecins européens. Comme vous le voyez, c’est une profession qui devient plus connue.., et le sera probablement encore plus avec la mission de Thomas Pesquet.
Mais, pour vous répondre, j’étais en poste au MEDES et tout le monde connaissait ma motivation. Un jour, le poste que j’occupe actuellement s’est libéré. Ayant eu la chance de participer à la dernière sélection des astronautes à l’ESA ( Agence Spatiale Européenne) au centre européen des astronautes à Cologne en Allemagne, je connaissais déjà l’équipe là-bas. Mon chef au MEDES m’a donc tout naturellement proposé le poste. C’est de cette façon que j’ai eu la chance d’occuper cette position.
VAQ : Parlez-nous un peu de Thomas Pesquet. Comment ça se passe pour lui là-haut ?
BG : Thomas a été parfaitement bien préparé pour cette mission. Les étapes d’entraînement ont sûrement été un peu trop longues, car il a servi deux fois de doublure avant de s’envoler lui-même. Sur les 6 derniers sélectionnés en 2009, il a été le dernier à partir. D’un côté cela a représenté pour lui une longue période d’attente, mais d’un autre côté un excellent entraînement.
Sur le plan médical il va très bien. Sur le plan des activités scientifiques, il effectue ses tâches avec soin, tout comme l’équipe à bord. Cette équipe est reconnue comme travaillant extrêmement vite et bien. Par exemple, ils ont régulièrement 2 à 3 heures d’avance sur leur emploi du temps, c’est quelque chose que l’on voit rarement. Donc, cette rapidité dans l’exécution des tâches au quotidien nous permet de confirmer ce que je vous disais : son excellente forme et la bonne entente à bord, ce qui est capital pour un travail d’équipe.
VAQ : D’accord. Vous êtes son médecin. Il est dans l’espace, à une distance incommensurable de la terre.., s’il tombe malade, concrètement vous faîtes quoi ?
BG : Tout d’abord, n’oubliez pas que ces astronautes sont en pleine forme quand ils partent. C’est pourquoi nous les soumettons à tant d’examens médicaux. De plus, ils vivent là-haut, en environnement clos, ils ont donc moins de chances de contracter les épidémies que nous voyons sur Terre.
Cela dit, on peut tout de même imaginer des pathologies... Si elles sont anodines, comme dans la plupart des cas, nous faisons le diagnostic en fonction des informations que nous recevons, par mail ou durant nos conférences médicales privées avec les astronautes. Cela nous permet de poser un diagnostic et un traitement, d’autant qu’à bord ils ont l’équipement médical minimum.
S’il s’agit d’une pathologie plus grave, il y a deux possibilités : le problème est traité à bord, si c’est possible. Les nombreuses heures dédiées à cet entraînement les rendent aptes à effectuer eux-mêmes des actes médicaux. Dans ce cas de figure, depuis la Terre un médecin les guide durant la procédure. Si, en revanche, il est impossible de traiter à bord, nous avons la possibilité de les faire revenir à bord de leur Soyouz. La station est encore dans un environnement proche de la Terre, soit 300 kms. Le retour est donc rapide, mais il faudra au minimum 48h pour les ramener pour avoir plus de chance de les retrouver facilement. Il en sera tout à fait autrement lors de Mission vers Mars. Les astronautes devront être complètement autonomes. Dans ce contexte, un médecin, voire un chirurgien, ou même les deux, me semblent nécessaires à bord.
VAQ : Pour finir, vous suivez actuellement un programme d’expérimentation nommé le bedrest, réalisé à la clinique spatiale du MEDES. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
BG : Personnellement je ne m’occupe pas de ce bed rest, mais c’est à travers un bed rest en 2005 que j’ai eu la chance de faire mes premiers pas dans le spatial.
Pendant le bed rest actuel, j’ai eu la chance de revenir à Toulouse (mon employeur est toujours le MEDES de Toulouse, et c’est ainsi qu’une fois par an je passe dans cette ville). J’ai donc eu la chance de rencontrer les volontaires du bed rest actuel et de leur faire part des similitudes entre ce qu’ils vivent actuellement et la vie des astronautes à bord de l’ISS.
Un bed rest, aussi appelé expérience d’alitement prolongé, est une des meilleures simulations de la vie en microgravité à l’heure actuelle. Les volontaires sains (choisis selon les mêmes critères que les astronautes) passent, dans le cas du bed rest actuel, deux mois allongés. Pour simuler le fluid shift des astronautes, leur tête est inclinée à 6 degrés au-dessous des pieds, ce qui va engendrer les mêmes modifications liquidiennes que pour les astronautes (redistribution des liquides corporels vers la partie supérieure de la tête, c’est ce qu’on appelle le fluide shift). Leurs muscles vont s’atrophier, tout comme chez les astronautes, et ils perdront de la densité osseuse du fait de l’inactivité. Évidemment, ce qui manque pour simuler complètement l’ISS ce sont les radiations… et le confinement. Ils subissent un certain degré de confinement, mais ils sont encore en contact avec le personnel médical et les scientifiques qui les aident au quotidien. À l’inverse, les astronautes sont seuls dans l’espace. Bien que parfois guidés depuis la Terre, ils sont véritablement à la fois sujets et expérimentateurs.
Pour en revenir au bed rest, on utilise ces expériences au sol, car elles sont plus faciles à organiser et moins coûteuses que les séjours dans l’espace. Elles nous permettent de tester des moyens de pallier les effets secondaires de la microgravité. Ce que l’on appelle des contre-mesures.
L’expérience actuelle a comme contre-mesure un cocktail de plantes et d’oméga 3 qui est testé chez la moitié des volontaires. Le but est de voir si ce cocktail pourrait prévenir la perte osseuse, musculaire, bref tous les désagréments de l’immobilisation. Si tel était le cas, ce cocktail pourrait être testé dans l’espace avec l’espoir que les astronautes perdent moins de tissus musculaires. On pourrait, dès lors, envisager des séjours spatiaux encore plus longs...
VAQ : On voit donc que tout est mis en œuvre pour améliorer la santé de nos astronautes. Merci Brigitte Godard.
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- 8. | 13/08/2021
I appreciate you finding the time and effort
to put this article together. I once again find myself personally spending a lot of time both reading and commenting.
But so what, it was still worth it!
Merci beaucoup
Adèle PICOT